Je m’explique : la civilisation dans laquelle nous nous débattons avec force palabres sur le nécessaire retour à la fraternité est totalement inféodée à ce qui aujourd’hui fait office de véritable « religion » (au sens latin du terme religere), à savoir le marketing.
Personne, à ce jour, n’oserait présenter à une quelconque autorité - qu’elle prenne la forme d’un hiérarchique, d’une banque voire du bureau d’une association qui cherche des partenaires – un désir qui ne prenne pas la forme d’un business plan. Ce marketing atteint tout (j’ai eu envie d’écrire « gangrène » tout) et va même jusqu’à oser l’infâme expression de « marketing relationnel ». Tant qu’on passera toute relation par cette moulinette-là, la fraternité fera long feu.
Et c’est pourtant ce qui se passe.
Pourquoi, parce que tout passe par le filtre du « marchand ». J’en veux pour preuve « Le Village des Jeux pour la Francophonie ».
Osera-t-on un jour se dire que l’éducation, les soins, la justice, le politique devront avoir comme charte (non-écrite mais vécue) l’abandon du mercantilisme ?
Osera-t-on un jour croire qu’une vision n’est pas un projet et que le chemin vers la création de l’existence matérielle de cette vision ne s’emprunte qu’en « marchant » sans avoir au préalable balisé tout l’itinéraire ni surtout retenu à l’avance tous les gîtes d’étapes ? Je pense là au Chemin de Saint-Jacques de Compostelle qui se transforme petit à petit en chemin de grande randonnée et qui fait oublier que le chemin est avant tout une avancée personnelle.
Je sais, bien sûr, que mes propos paraissent tout à fait irréalistes et qu’ils prêtent à la moquerie, mais je ne crois qu’à l’efficacité d’une pratique : c’est l’ordalie du faire.
On jetait les sorcières au feu en prétendant que Dieu les empêcherait de se consumer si elles n’étaient pas sorcières. Quand je parle de « l’ordalie du faire », je vois le jugement de ce qui est plus grand que la civilisation technicienne (et que je ne sais nommer) et qui fera exister les rêves s’ils ne résistent au passage à l’acte en commun, même si ce « commun » se résume à deux personnes.