La promesse de Mélusine

Pourquoi m’avez-vous ensorcelée, Mère ?
Vous nous l’avez assez décrié notre père félon. Que mes sœurs et moi-même l’ayons enfermé dans cette haute tour ne relevait que de notre amour pour vous.
Mais faut-il écouter les paroles de sa mère ?
Je serai mère à mon tour, mais une mère sans progéniture, une mère pour tous ceux qui ne trahiront jamais leur parole.

Me voici affublée de cette queue de serpent. Si j’ai pu, lors du jet de votre sort, m’en trouver affolée, j’en suis aujourd’hui grandement gratifiée. Serpent est celui qui vit et vibre de toutes les énergies de la Terre et du Ciel et votre ire malveillante m’a alloué un présent qui me décharge de toute dette envers vous.
Epouser un humain… et rejouer le théâtre qui vous fit malheureuse ? Que nenni ! Je flaire d’ici que faire promettre à un mortel de ne pas ouvrir une porte qui lui est défendue, consiste à l’inciter à la transgression.

Je bâtirai… dans l’ombre. Sans m’asservir à ce jeu stupide du : « Tu n’iras là, jamais, sinon… » Les humains sont curieux et indociles et ma queue de serpent et mes ailes de dragon leur forgeraient de sombres projets.
Je bâtirai… forteresses et donjons, remparts et portes hautes afin que seul l’Amour puisse déceler dans ce qui semble indestructible, la faille qui transformera ces murs en onde rafraîchissante et créatrice.

Les humains sont des dieux déchus. Ils ne savent qu’au sein de leur cœur vit le couple sacré que nulle muraille ne peut séparer. Je bâtirai… et ferai de votre sort le tremplin de mon bonheur et de celui des humains…qui jamais ne me verront.

Jacqueline Bastide